mardi 3 septembre 2013

Un objectif grandiose mais inconnu: la Bessanèse, 2-3 septembre 2013


Extrait de la carte Michelin


Extrait de la carte IGN


Après une petite excursion matinale fort bien réussie (voir le récit), nous faisions un long trajet pour arriver au point de départ de notre prochain objectif, c'est-à-dire la Bessanèse. Effectivement, après avoir rejoint le Val d'Aoste, nous poursuivions notre route jusqu'au chaos routier appelé Turin, pour ensuite remonter le très long Val di Ala, une des vallées dites "Lanza", jusqu'à la plaine de "Pian della Mussa". Le paysage, en cette fin d'après-midi est tout simplement époustouflant.


La montée au Rifugio Gastaldi n'est pas longue, mais ça monte quand même bien.


Le Val di Ala, dont je peux sûrtout conseiller la partie entre Balme et le Pian della Mussa.


A mi-chemin, nous faisons une petite halte.


Les nuages, souvent très tenaces en après-midi dans ces contrées, commencent à se dissiper, ce qui permet une vue quasi inobstruée sur l'attraction principale du bout de la vallée d'Ala, la face sud de la Grande Ciamarella, 3676m.


Cette grandiose paroi haute de mille mètres fut escaladé pour la première foi en 1883 par l'inoubliable Guido Rey.


Les dimensions imposantes de ce géant deviennent très claires.


Après un peu moins de deux heures de montée, nous arrivons au très agréable Rifugio Gastaldi, 2659m, tenu par le gardien de refuge le plus zen jamais rencontré. Qu'il soit un example pour tous ces énergumens nerveux voir désagréables rencontrés de maintes fois dans d'autres lieux ! Le refuge est surplombé par l'immense muraille est de la Bessanese, qui nous inspire beaucoup de respect.


Nous partageons le dortoir avec un Italien déjà d'un certain âge qui compte escalader en solo l'arête nord-est, également appelée la "spigolo Murari", côté AD+, première ascension le 23/08/1920. Ce bien sympathique individu ne cessera, pendant la nuit, d'expulser des bruits bizarres et peu commodes !

Le lendemain, nous nous levons vers 5h15 et partent une bonne heure après. Peu après, nous profitons d'une vue extraordinaire sur la Bessanese et sa face est. A droite, la spigolo Murari.


Nous faisons un bout du Giro della Bessanese en direction du Collarin d'Arnas, avant de quitter le chemin et d'entamer la raide montée au Col d'Arnas, 3012m, frontière entre l'Italie et la France.


En aval du Col d'Arnas, nous tombons sur un troupeau de bouquetins.


Les animaux ne se soucient guère de notre présence et on a vraiment tout le loisir de les observer tranquillement.


De l'autre côté du Col d'Arnas, où nous faisons une toute petite pause, on a une belle vue sur la face ouest de la Pointe de Charbonnel, 3752m. Ensuite, une descente d'une vingtaine de mètres par des éboulis instables nous mène jusqu'au glacier d'Arnas qui a certainement du arriver jusqu'au col avant.


Le glacier est complètement dépourvu de neige, on a bien du mal à avancer sur la glace et on hésite à chausser les crampons. Après une bonne centaine de mètres, nous quittons le glacier et commençons à monter une pentre extrèmement raide composé d'éboulis très instables en direction nord-ouest. Haute de 150mètres, ce sera un des passages-clé de l'ascension.


Arrivés en-dessous la Pointe de Pareis, nous étudions la suite de l'ascension. Le terrain devient nettement moins raide mais reste très éprouvant.


Nous devons traverser d'énormes éboulis et des névés, aidés simplement par la présence de quelques simples cairns. Certes, il n'est pas facile d'y retrouver son chemin mais cela constitue quand même un exercice fabuleux pour la recherche de chemin en terrain alpin.


Finalement, nous arrivons au pied de l'énorme couloir qui se dessine à droite de la face sud de notre objectif. Son ascension n'est guère évident, beaucoup de caillasse, des petits passages d'escalade, des chutes de pierre, le port du casque est quasi obligatoire !


Le couloir donne sur l'arête sud-est de la Bessanese. Nous nous encordons et suivons l'arête sur le fil. Ce n'est guère difficile (II max) mais il y a quand même pas mal de gaz.


Severin en plein dans le crux de l'ascension, un petit mur quasi vertical d'une trentaine de mètres (III). C'est là que nous rencontrerons les seules personnes de toute la journée: l'Italien solitaire rencontre la veille et deux autres alpinistes transalpins. Ce qui est sûr, c'est que les Italiens ont un autre concept de la matière 'sécurité en terrain alpin', ils ne sont pas encordés, n'ont pas de casque sur la tête, etc. Enfin, encore une fois, c'est presqu'un soulagement après toute cette rigidité suisse !


Nous arrivons finalement à l'antécime appelé segnale Tonini, 3592m, atteint pour la première fois en 1857 par un certain Monsieur Tonini. Vue sur l'Albaron, 3637m, et derrière Mont Blanc, Aiguille du Géant et les Grandes Jorasses.


Quelle journée magnifique, une des plus belles jamais vécues en montagne. A droite, l'Uja di Ciamarella, 3676m. Derrière, la Grivola et le Gran Paradiso.


Dent du Géant, Aiguille et Dôme de Rochefort, Mont Mallet, Les Grandes Jorasses.


Severin propose de finir l'ascension à l'antécime mais je ne suis pas d'accord, je n'ai pas fait tout ce chemin pour échouer si près du but. J'arrive à le convaincre (j'aurai continué seul s'il aurait fallu) et ensemble nous faisons la dernière partie de l'ascension qui ne s'avère pas très difficile mais très gazeux. Après six heures d'ascension (on croyait pouvoir monter en quatre heures) nous arrivons à la segnale Baretti, point culminant de la Bessanese, 3604m, et atteint pour la première fois en 1873 par Baretti et amis.


Vue sensationnelle sur le Monviso, 3841m, et notre objectif suivant.


Le troisième sommet de la Bessanese, la quasi inaccèssible segnale Rey.


Après une demi-heure de pause bien méritée, il est temps d'entamer la descente, qui promet d'être longue.


Dernière vue sur la segnale Baretti.


Severin en plein rappel du petit mur final.


 Moi, j'ai préféré desescalader ce passage.


Cette image montre bien la face sud de la Bessanese, les énormes pierriers en-dessous, et les dimensions du terrain à affronter. Il faudra deux heures et demi pour descendre jusqu'au glacier et une nouvelle demi-heure très fatiguante pour effectuer la contre-montée jusqu'au Col d'Arnas.


Soulagés, nous apercevons le rifugio Gastaldi après une course épique de dix heures et demi (une heure depuis le col). La soif, épique elle aussi, fut heureusement allégée par une énorme bouteille (épique) de birra Moretti. Conclusion: un beau sommet, très alpin, très peu couru, dans un coin fantastique de la plus belle chaîne de montagnes au monde.

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